Vivre et travailler
Depuis mon retour sur le marché du travail il y a 3 ans, une chose continue de me frapper. Le format de travail traditionnel 9 à 5 ne fonctionne plus.
J’écris ces lignes avec mon bébé qui dort sur moi en porte-bébé. J’ai le cerveau un peu endormis, mais l’esprit bien clair. Ça fait quelques temps maintenant que j’ai envie de m’exprimer sur le sujet. Je n’osais pas trop, par peur de déranger.
Pourtant, des études sont en cours, certaines entreprises ont déjà démarré le pas, mais je sais que dans certains milieux ce n’est pas une opinion populaire.
La maternité a accéléré mes réflexions. Parce que depuis 7 mois, je prends soin d’un bébé. Un bébé assez facile, qui grandit bien. Et pourtant, j’ai l’impression de constamment manquer de temps. Je suis en congé de maternité, mon temps est donc dédié à mon enfant, mais je n’arrive pas à imaginer comment ça se passera à mon retour au travail.
On passe notre vie à travailler ou à faire des tâches. Sur 24h dans une journée. On dort en moyenne 7h. On travaille 8h, on se déplace durant 1 à 2h. Il reste environ 7h fragmentée pour gérer notre vie personnelle. Faire du ménage, lavage, l’épicerie, cuisiner, aller porter l’auto au garage, promener le chien, prendre une douche, laver le bébé, payer les comptes et tenter à travers tout ça d’avoir l’espace mental pour profiter du temps en famille, faire des activités, se garder en forme. Faire du bénévolat ? (évidemment qu’on n’a aucun temps pour ça…).
Pourquoi on continue de structurer nos shifts de travail en format 9 à 5, 40h par semaine ? On est loin du travail en usine où il fallait fabriquer 100 chemises à la fin de la journée. Je ne parle évidemment pas du travail de plancher où évidemment, les heures sont essentielles au bon fonctionnement du commerce. Je parle surtout du travail de bureau. Du travail de cerveau.
On sait que les humains ne fonctionnent pas comme des machines qui punch in punch out. Que notre énergie est limitée, notre motivation aussi. Mais on continue à gérer nos équipes comme des machines.
L’an dernier j’ai créé une conférence sur la curiosité. Je soulignais entre-autre l’importance de s’offrir des temps morts pour explorer, découvrir et nourrir notre spontanéité. En expérimentant le tout, j’ai constaté que plus tu nourris ta curiosité, plus tu deviens curieux et plus tu es curieux, plus tu es engagé et présent dans ce que tu fais. Autant dans ta vie personnelle que professionnelle. Gros win win n’est-ce pas?
À cette époque de ma vie, je n’avais pas encore d’enfant. Je pouvais prendre quelques heures dans ma semaine pour des cours de chant, dessiner, faire des sorties culturelles, etc. Je trouvais tout de même que je manquais de temps pour remplir mon réservoir à idées.
Parce que c’est ça au fond le temps libre. Une opportunité de se recharger. D’être plus créatif. Plus innovant. D’entrer dans un flow créatif qui te connecte à ce qui compte pour toi.
Notre société hyperproductive nous demande d’être constamment dans l’action, dans la performance, dans la croissance et dans l’innovation. Mais comme les fleurs que vous voyez pousser dans vos jardins, ça prend du temps pour qu’une idée fleurisse, qu’elle se concrétise. Ça prend des jours de pluie où on est plus lent, moins énergique, où nos idées sont moins claires. Ça prend des temps d’arrêt où on fait autre chose, on prend du recul et on revient avec une vision plus limpide.
Je crois sincèrement que nous avons tout à gagner à adapter notre système pour être au service de l’humain. Travailler moins d'heures et avoir plus de flexibilité. Pour laisser le temps à l’humain de vivre. De s’épanouir, de respirer. Faire des choses qui font du sens pour travailler de façon consciente.
Sommes-nous prêts à demander moins à nos équipes?
Sommes-nous prêts à produire moins?
À consommer moins?
À voyager moins?
À posséder moins?
La planète nous crit de ralentir.
De plus en plus fort.
La planète nous demande de repenser nos façons de faire.
De prendre soin. De prendre moins.
On sait que les ressources naturelles ne sont pas infinies. Pourtant, on continue de presser le citron.
Je pense qu’on a tout en main pour ralentir la cadence, mais qu’on n’est pas prêt, qu’on a peur de ce ralentissement. Ce vide dans nos agendas trop garnis. Parce que ralentir voudrait dire avoir plus de temps pour réfléchir.
Et parfois avoir du temps pour réfléchir nous fait prendre conscience qu’on n’est pas tout à fait aligné à nos valeurs et nos aspirations profondes. Je le sais parce que je vis fréquemment ce vertige.
La sensation que la vie va trop vite pour que je prenne le temps de vivre la vie à laquelle j’aspire réellement (c’est tu claires ce que je veux dire?).
Je ne sais pas si le fait d’avoir un enfant me donne une nouvelle force. La force d’amorcer des discussions, des réflexions pour créer du changement. Pour léguer un monde un peu plus sain et un peu plus doux à mon fils et aux générations futures. Parce qu’on est tous concernés par des enjeux aussi importants.
Et ça commence au travail, j’en suis convaincue.
- Raphaëlle